Le théâtre des relations

Quand les biais cognitifs sont au devant de la scène

Lorsque le biais de confirmation rencontre la fée réalité 😂 

Bienvenue à tous les nouveaux inscrits de cette newsletter !

Si un·e ami·e qui te veut du bien t’a envoyé ici, n’hésite pas à t’inscrire pour recevoir les prochaines éditions.

Si tu penses qu’un·e ami·e profiterait de cette newsletter, tu peux lui transférer ce message ou le rediriger vers la page d’inscription.

Le mois dernier, une lectrice (coucou Luciana 👋) m’a suggéré de parler sur comment les biais cognitifs impactent une relation amoureuse, notamment le début de l’histoire.

J’avoue avoir été séduit par l’idée.

Cependant, ce n’est clairement pas mon expertise 😅

… Et je n’ai pas eu le temps de vraiment creuser le sujet !

En revanche, je peux faire un parallèle avec la collaboration.

Sujet que je connais beaucoup mieux !

Voici donc un petit pot pourri en trois actes sur les relations d’équipe.

Et je te laisse faire le lien pour les relations amoureuses 😆

Tout commence par la perception

Si tu me suis depuis quelque temps, tu sais que les mécanismes de perception de notre cerveau ne sont pas aussi fiables que nous en avons l’impression.

Beaucoup de données à traiter (40 Go – soit environ 6 films Blu Ray HD – par seconde selon certaines estimations)

Trop peu de temps (230 millisecondes pour filtrer les 2 ko “pertinents” – soit moins qu’un document Word de quelques pages –)

Du coup, il fait des raccourcis.

Et il se base sur des modèles qu’il a établis dans le passé.

Cela lui permet de prédire quelques secondes dans le futur.

Et savoir s’il va devoir se battre ou s’enfuir, ou si la situation est suffisamment sécurisée.

Elle :

  • A les cheveux bruns,

  • A des yeux rieurs,

  • Me fait penser à Fiona que j’aime bien.

👉️ Elle doit donc être sympa.

Lui :

  • A les cheveux blonds,

  • Aime les tshirts avec des blagues nulles dessus,

  • Me fait penser à Antoine que je n’aime pas.

👉️ Il doit donc être désagréable.

Je sur-simplifie bien sûr.

Déjà parce qu’on a rencontré plus que deux personnes.

Il faut donc comparer à toute notre “base de données.”

Ensuite, car il y a un ensemble de processus plus subtils qui vont aussi entrer en jeu.

Et ces processus vont dépasser juste l’apparence physique : l’environnement dans lequel tu es, ton état physiologique, etc.

Sans compter les normes sociales.

Mais je pense que tu as l’idée générale.

Entre en scène : le biais de confirmation

Une fois que notre cerveau s’est fait une première impression, il ne va pas en rester là !

Son job est de valider qu’il ne s’est pas trompé.

Il va donc chercher des preuves de sa première impression.

Et il va en trouver !

(Sauf s’il est vraiment mauvais 😆)

Il ne va même faire que ça.

Mais pour vérifier qu’il ne s’est pas trompé, il ne va vérifier que ce qui colle.

Il ne va pas chercher (de manière active) ce qui pourrait le contredire.

Antoine aimait les chewing-gums.

Lui aussi.

Donc j’avais bien raison !

Le meilleur exemple en entreprise que je connaisse ?

Le fait que lors d’un recrutement, le recruteur va se faire inconsciemment une idée du candidat en moins de 4 minutes.

Puis il va passer le reste de l’entretien à sélectionner les informations qui confirment cette première impression.

(Et bien entendu, à également poser les questions qui vont bien pour arriver à ces informations pré-sélectionnée)

Donc sans jamais remettre en cause sa première impression…

Mais ce n’est pas tout !

Entre en scène : le biais de cohérence.

Notre cerveau a besoin d’avoir une représentation stable du monde.

Pour une partie, c’est facile.

Notre monde physique est globalement stable.

Les objets ne disparaissent pas tout d’un coup pour réapparaître 5 minutes plus tard.

(Sauf lors d’un spectacle de magie 😂)

Pour le reste, cette stabilité passe par un besoin de cohérence.

Les éléments de notre représentation doivent tenir ensemble.

Si ce n’est pas le cas, notre représentation doit être mise à jour.

C’est ce qu’on fait un peu tout le temps en tant qu’enfants.

Mais une fois adultes, on la met moins à jour.

Ça coûte de l’énergie (donc à éviter tant que faire se peut)

Et on préfère maintenir ce qu’on a déjà sans trop le remettre en cause. (C’est plus simple)

Notre biais de confirmation nous aide d’ailleurs bien à ce sujet.

(Car oui, rappelle toi que les biais ne s’activent rarement qu’un à la fois…)

En ne cherchant que les preuves qu’on a déjà, ce n’est pas la peine de chercher plus loin !

Et tout reste cohérent.

C’est-y-pas magnifique ça ?

Mais ça ne s’arrête pas là !

Une fois notre vision du monde établie, notre comportement va en être affecté inconsciemment.

Entre en scène : l’effet Pygmalion.

L’effet Pygmalion est un effet psychologique identifié par Rosenthal et Jacobson dans les années 1960.

Une des expériences est assez fun :

Les chercheurs vont dans une école et font passer des tests de QI à un groupe d’enfants.

Ils font en sorte que les professeurs reçoivent les résultats de ces tests.

Au bout de plusieurs mois, on refait passer les tests de QI aux enfants.

Résultat : les 20% au plus haut QI ont une meilleure progression que les autres élèves.

Jusque là, rien de bien surprenant.

MAIS !

Les résultats communiqués aux professeurs étaient truqués.

(Les vilains chercheurs mesquins ! 🤣 )

Les 20% d’enfants identifiés comme avec un plus haut QI étaient en fait un échantillon moyen d’élèves.

(C’est à dire qu’il y avait autant d’enfants à haut QI, à moyen QI, et à plus bas QI dans chaque groupe.)

Comment expliquer l’amélioration des élèves si ce n’est par le regard et/ou le comportement des professeurs envers les élèves ? 🤯

Qu’est-ce que ça veut dire pour nos relations ?

Tout simplement qu’une fois notre vision sur une personne établie, nous allons à la fois chercher à la confirmer (cohérence + confirmation,)

Mais également interagir de façon à la renforcer (pygmalion.)

Créant une boucle difficile à casser.

Par exemple :

➡️ Je pense qu’on peut travailler ensemble facilement

➡️ Je vais être plus sympathique avec toi

➡️ Tu vas être plus réceptif à mes demandes

➡️ Tu vas m’apparaître comme plus coopératif

➡️ Je pense qu’on peut facilement travailler ensemble

Bingo !

Et bien sûr, ça marche pour le négatif également :

➡️ Je pense qu’il est difficile de travailler ensemble

➡️ Je vais être plus rêche avec toi

➡️ Tu vas être sur la réserve concernant mes demandes

➡️ Tu vas m’apparaître comme peu coopératif

➡️ Je pense qu’il est difficile de travailler ensemble

Bingo également !

Encore une fois, ce sont des exemples simplifiés mais tu peux comprendre la mécanique globale.

Dénouement : on en fait quoi de tout ça ?

Tout d’abord, apprendre qu’un piège existe permet d’en prendre conscience.

Ensuite, cela nous permet de nuancer certaines choses.

Notre comportement tout d’abord.

Par exemple avec les “tests de personnalité” (MBTI, 4 colors, Success Insight, DISC, Process Com, etc.)

Outils bien connus en entreprise.

Parfois même utilisés de manière ostentatoire :

On va afficher sur le bureau, ou en signature des messages un petit sigle genre ENTJ, SI, BRYG ou Travaillomane-Promoteur.

Comme une revendication.

Voire un étiquetage.

Du coup, cela va influencer les comportements et les renforcer.

Je sais que Pierre est “introverti”.

Je ne vais pas penser à lui pour réaliser cette présentation pour le client.

Alors que tout le monde peut développer la compétence de parler en public, même les introvertis ! (J’en suis un exemple 😅)

Et du coup, je vais continuer de voir Pierre comme “celui qui ne fait jamais de présentations” et renforcer ma vision “introverti” de lui.

Je sais que Sophie est “rouge”, tournée vers l’action.

Je ne vais pas penser à elle pour gérer ce gros projet qui va s’étaler sur des mois voire des années.

Alors que tout le monde peut développer la compétence de gestion de projet !

Et du coup, je vais continuer de voir Sophie comme “celle qui ne gère jamais de gros projets” et renforcer ma vision “court terme” d’elle.

Perception + Cohérence + Confirmation + Pygmalion = 💥

Une précision cependant : je ne dis pas que les tests de personnalité ne servent à rien.

Ils ont bien entendu leur utilité.

Par exemple, savoir qu’une personne a tendance à être introvertie permet à des personnes qui ne le sont pas :

  • D’abord de se rendre compte qu’il y a des gens qui ne fonctionnent pas comme eux,

  • Ensuite d’aller consciemment demander l’avis de cette personne plutôt que d’attendre qu’elle s’exprime spontanément (car elle ne le fera probablement pas !)

Mais ce genre de bénéfice risque d’être totalement perdu si les résultats des tests sont utilisés pour catégoriser les personnes sans aucune forme de nuance.

En mode : “toi, tu es X !”

Sous-entendu : tout le temps, avec tout le monde, en tous contextes, et jusqu’à la fin de ta vie.

Et c’est malheureusement ce que j’ai beaucoup vu en entreprise.

Malgré les formateurs qui répètent que nous ne pouvons réduire une personne au résultat de son test.

… Mais c’est tellement simple et facile pour notre cerveau qu’il franchit allègrement ce pas !

Epilogue : nuancer nos jugements

Connaître ce genre de fonctionnement nous permet également de nuancer nos jugements (et donc in fine, nos comportements.)

Pour prendre un exemple extrême : les phénomènes d’emprise (femmes battues, dérives sectaires, etc.)

Lorsqu’on entend un témoignage sur ce sujet, les réactions sont souvent :

“Mais pourquoi tu es resté ?”

“Mais tu ne vois pas que tu es manipulée ?”

“Mais ce n’est pas de ta faute !”

Sans comprendre comment notre vision du monde se crée et se renforce,

Difficile de comprendre comment celle de quelqu’un d’autre se crée et se renforce.

Et du coup, nous ne saurons pas comment agir.

Ou pire : nous allons agir d’une manière qui risque de renforcer la vision de l’autre.

Et donc renforcer l’emprise alors qu’on voulait aider.

Il y a évidemment d’autre phénomènes psychologiques à l’œuvre dont je n’ai pas parlé ici (la post-rationalisation, la personnalisation et l’égocentrisme par exemple.)

Nous sommes là aussi face à des situations complexes.

Mais je pense que connaître la mécanique générale peut nous aider à nuancer nos perceptions, notre vision, nos avis.

Et c’est le premier pas pour une meilleure collaboration.

(Ou relation amoureuse 😆)

Défi de la semaine

Choisis une personne que tu apprécies :

Que pourrais-tu apprendre sur elle qui casserait la relation ?

Choisis une personne avec qui tu ne t’entends pas bien :

Force toi à chercher un point commun, une chose que vous appréciez tous les deux.

Et observe comment ces deux exercices changent ta perception de chacune des personnes.

Tes commentaires m’intéressent !

N’hésite pas à m’envoyer un message pour me dire :

  • Ce que tu as apprécié,

  • Ce que tu as détesté,

  • Ce que tu as testé,

  • Ce qui a marché,

  • Ce qui a bloqué,

  • Ce dont tu aimerais que je parle dans une prochaine édition.

Je suis à ton écoute et je te répondrai avec plaisir.

Envie d’aller plus loin avec le livre ?

Tu as le choix entre librairies indépendantes ou Amazon.

Reply

or to participate.