Ton cerveau et un vélo : combo gagnante ?

Lorsqu'une tâche a priori simple nous révèle l'illusion.

Un vélo pour en apprendre sur ton cerveau ?

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Est-ce que tu sais vraiment ce que tu sais ?

Ou est-ce une illusion ?

Faisons un test !

 

Première étape :

Note entre 1 et 10 (10 étant le maximum) ta connaissance du fonctionnement d’un vélo.

 

Deuxième étape :

Complète le dessin ci-dessous pour ajouter le cadre, les pédales, et la chaîne.

Comme tu le vois, pas besoin d’être Picasso ! 😆

 

Fais-le vraiment !

Ça ne va te prendre que quelques secondes.

 

C’est bon ?

 

Honnêtement ?

 

Ok !

 

Est-ce que ton dessin ressemble à celui-là :

Le vélo complet

 

Ou est-ce qu’il ressemble plutôt à un de ceux-là :

Quelques erreurs courantes

Si ton dessin ne ressemble pas à la solution ci-dessus,

Alors tu fais partie des 40% de personnes qui pensent savoir comment fonctionne un vélo et qui se trompent.

(C'est néanmoins ok, si tu avais noté 1 à la toute première question ! 😄)

Une étude de 2006 menée par Rebecca Lawson de l’Université de Liverpool montre qu’il y a une différence entre :

  • Ce qu'on pense savoir, et

  • Ce qu’on a vraiment compris de ce savoir (c’est-à-dire ce qu’on met en œuvre lorsqu’on doit solliciter ce savoir.)

Cette étude a pris un sujet (a priori) simple : le vélo.

Comme tu t’en doutes, les questions que je t’ai posées sont issues de l’étude.

Je ne t’ai en revanche pas fait suivre toutes les étapes de l’étude.

Juste les deux premières.

Il y avait en effet plusieurs autres étapes dans l’étude originelle.

Par exemple pour vérifier si les erreurs étaient liées à une incapacité de dessiner,

Si le fait de savoir qu’on était testé sur ses connaissances du vélo changeait quelque chose, ou

Si le fait d’être plus expert dans le domaine (être un utilisateur quotidien du vélo par exemple) générait les mêmes erreurs, ou dans les mêmes proportions.

(Spoiler alert : non, non, et non.)

Et si tu as réussi à compléter correctement le dessin du vélo, tu te demandes peut-être :

“Mais comment est-ce possible que 40% des personnes puissent se tromper ?

C'est si évident !”

On pourra parler de ce sentiment dans une autre édition.

Parce que je pense que nous sommes tous victimes de ce phénomène selon les sujets.

Par exemple, si tu as réussi le test du vélo,

Saurais-tu pour autant expliquer comment fonctionne le changement de vitesses sur un vélo ?

Et d’en dessiner le mécanisme ?

Ou alors d’expliquer comment la batterie d’un vélo électrique alimente le mouvement ?

Un biais derrière tout ça ?

Comme tu t'en doutes, surtout si tu me lis depuis longtemps, ce phénomène a été classifié comme un biais cognitif.

Il s’agit de l'illusion du savoir.

C'est un phénomène où notre cerveau surestime sa compréhension, ou sa connaissance, d’un sujet.

Par exemple, si on a souvent entendu ou lu une information, notre cerveau va nous faire croire qu’on l’a comprise.

Et qu’on serait capable de l’expliquer.

Ou de le refaire lorsqu'il s'agit d'une action.

Je suis sûr que tu as a déjà été dans ce cas :

Tu veux partager une information intéressante que tu viens de lire à quelqu'un,

Et quand tu essayes de l'expliquer, tu t'embrouilles les pinceaux.

Tu te rends alors compte que ce n’est finalement pas clair du tout dans ton esprit ! 😅 

D’une certaine manière, cela rejoint le suroptimisme dont j’ai parlé dans cette édition.

Sauf que, cette fois, cela ne s’applique pas au monde extérieur (projets, risques, estimations, etc.)

Mais plutôt à notre capacité même de compréhension.

Plus une connaissance va nous paraître simple, ou familière (comme le vélo,)

Plus nous serons vulnérables à cette illusion du savoir.

C’est d’ailleurs ce qu’il se passe avec les vidéos “magie révélée.”

As-tu déjà regardé une vidéo qui explique une technique ou un truc utilisé par les magiciens ?

Si oui, tu t’es peut-être dit : “mais c’est trop facile !”

Mais est-ce vraiment si facile que ça ?

Je suis sûr que si je te demandais de refaire ce que tu avais vu,

Tu comprendrais vite que c’est plus compliqué que cela n’en a l’air.

On le voit d'ailleurs assez bien lorsque des enfants présentent un tour qu’ils viennent d’apprendre :

À leur manière de s’exprimer,

À leur manière de se comporter,

À leur manière d’agir,

On sait tout de suite ce qui cloche !

C'est d'ailleurs souvent le grand drame de ces vidéos “magie révélée.”

Elles ne nous montrent qu'un seul aspect de la chose.

Et sans expérience du sujet, ou sans être guidé par quelqu'un avec de l’expérience,

On ne va pas comprendre ce qui nous manque.

La psychologie.

La mise en scène.

La dextérité physique.

La dextérité mentale.

La gestion du regard.

C’est-à-dire en soit, les conditions indispensables pour que le “truc simple” fonctionne véritablement.

Sans essayer de reproduire l’action, on ne comprend pas la difficulté.

Ni le travail nécessaire pour réaliser une action qui va prendre moins d'une seconde et être invisible à la perception du public.

Sans compter la déception du “C’est tout ?!? Ce n’est que ça ?!?”

Comme je dit souvent à mes étudiants en magie :

Si tu te dis : “C’est seulement ça…” (avec une pointe de déception 😞)

C’est justement le moment de se dire “C’est seulement ça ? Incroyable !” 😲

Et de commencer à chercher les véritables raisons qui font que ça marche avec “seulement ça” !

Pas que pour le vélo ou la magie

Bien entendu, l'illusion du savoir ne se limite pas au vélo ou aux techniques de l’art de la magie.

Elle s’exprime également dans la manière dont notre cerveau extrapole un sujet à partir de quelques informations.

Comme le titres d’un article.

 

Est-ce que tu as déjà lu un titre d'article (journal physique, journal en ligne, réseaux sociaux,)

Et sans lire l'article,

Tu as la sensation de savoir de quoi ça parle ?

Mais, objectivement, comment peux-tu vraiment le savoir si tu ne lis pas l'article ?

Je sais, tu vas me dire : “oui mais je connais la ligne éditoriale” ou “j'ai déjà entendu parler du sujet dans d'autres endroits

Peut-être.

Mais peut-être aussi que tu es en train de manquer quelque chose…

C'est un peu la même chose dans les discours politiques.

Lorsque qu’une responsable présente un argument qui sonne bien,

Qui semble évident,

Qui rentre facilement dans notre esprit.

Si tu n'as pas la connaissance précise du sujet concerné,

Peut-être que tu rateras l'angle mort de l'argumentation.

Ce qui n'est pas énoncé.

Ce qui n'est pas mis en avant.

Pour prendre des exemples récents :

  • En quoi la réforme des retraites votée en France remplit les objectifs annoncés au début du projet ?

  • Est-ce que supprimer le régime des intermittents du spectacle va vraiment permettre d’économiser 1 milliards d’euros ? (Spoiler pour celui-là : non)

Et dans le quotidien du travail ?

Là aussi, sans surprise, l’illusion du savoir s’incruste facilement.

Avec de beaux risques à la clé…

Si on pense avoir compris un sujet, mais qu'en fait on ne l'a compris que superficiellement,

On risque de choisir une solution qui ne marchera pas à la situation particulière du problème en question.

Tout simplement parce qu'on n’aura pas l'expertise nécessaire pour détecter les manquements.

Lors de mon dernier poste en entreprise, il y a eu un projet pour refaire les milliers de sites intranet.

Nous utilisions des solutions complexes d’un point de vue technique qui permettent de partager des documents ainsi que de créer de sites web de communication publique.

Un projet d’envergure !

Au bout de plusieurs mois, à cause de problèmes techniques,

Les équipes informatiques ont fini par se faire mal voir des équipes métiers en charge du projet.

Ayant perdu confiance, ces équipes métiers, responsables et clientes du projet, sont allés voir un prestataire externe sans rien dire à personne.

Ce prestataire externe leur a alors proposé une solution basée sur un logiciel open source très connu et utilisé par des milliers de particuliers et de petites entreprises. (WordPress si tu es curieux et du domaine.)

Les équipes métier, convaincues par ce prestataire, ont joué de leurs relations au sein de la société pour imposer cette solution.

Mon rôle à l'époque consistait, entre autres, à aider les projets informatiques en mode consultant-expert interne.

Lorsque mon manager et moi avons appris la décision,

Nous nous sommes regardés, les yeux grands ouverts, en se demandant “mais comment est-ce que ça va supporter la complexité du projet ?

J'aimerais te dire que nous étions sous le coup de la malédiction des experts qui croient savoir mieux que les autres.

Malheureusement pas 😬

Et le temps nous a donné raison…

N’ayant pas la connaissance de toute l’étendue technique du projet,

Mais croyant en savoir suffisamment pour l’expliquer à un prestataire externe,

Les équipes métier ont rendu leur projet plus long et plus cher à réaliser.

Car il a fallu obtenir des dérogations (sécurité, conformité, socles techniques et j’en passe) pour ce nouveau système.

Et tout refaire à nouveau car ce n’était finalement pas pérenne au regard des standards appliqués dans l’entreprise.

Du côté du prestataire externe,

Eux non plus n’avaient pas la connaissance de toute l’étendue technique.

Ils ont cru qu’ils l’avaient comprise à partir de ce que les équipes métier leur avaient partagé.

Et ils ont été contents de dire "bien sûr que oui, on peut le faire !"

(Syndrome très répandu chez les développeurs informatiques ! J’en reparlerai un jour car il est souvent néfaste.)

Ou quand illusion x 2 = bordel² 😰

À noter : je ne jette la pierre à personne dans cette histoire.

Je comprends tout à fait le sentiment qu’ont ressenti les équipes métier.

Se sentant trahies et isolées, elles ne savaient plus vers qui se tourner.

Malheureusement, sans prise de recul sur leurs émotions,

Elles n’ont réussi ni à résoudre le conflit qui les opposait aux équipes informatiques,

Ni à trouver le conseil d’expert dont elles avaient besoin.

Défi de la semaine

Trouve dans ton quotidien quelque chose que tu utilises, vois, ou lis tous les jours.

Par exemple : la cafetière, la génération d’un rapport, la validation d’une tâche…

As-tu l’impression de savoir comment ça marche ?

Si oui, alors essaye de l'expliquer à quelqu'un qui ne connaît pas le sujet.

(Pour limiter ton embarras, tu peux écrire un document Word, ou utiliser le dictaphone de ton téléphone 🙃)

Si ça coince, tu sais déjà qu’il y a une illusion du savoir derrière !

Sinon, il va te falloir être courageux et partager ton explication à ton équipe pour confirmer ta connaissance 😄

Tes commentaires m’intéressent !

N’hésite pas à m’envoyer un message pour me dire :

  • Ce que tu as apprécié,

  • Ce que tu as détesté,

  • Ce que tu as testé,

  • Ce qui a marché,

  • Ce qui a bloqué,

  • Ce dont tu aimerais que je parle dans une prochaine édition.

Je suis à ton écoute et je te répondrai avec plaisir.

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